Coup d’oeil sur… l’art des icônes (2)

Christ PantocratorIl n’est pas dit que d’ordinaire, ces deux termes riment ensemble et se rejoignent : l’un désigne l’architecture interne d’une œuvre, ses lignes de construction selon des formes simples (cercles, carrés, triangles…), l’autre, le symbole, nous renvoie au lien subtil, souvent codifié d’une tradition à l’autre, qui donne à penser et à lire une réalité pour ce qu’elle n’est pas. Dans les grandes fresques d’icônes, notamment du Christ, les deux réalités différentes se rejoignent et s’articulent, mystérieusement, pour un regard attentif. Les icônes de la vierge Marie sont sans doute les plus vénérées en Orient. Dans nos pays, depuis plus d’une quarantaine d’années, l’on a quelque peu abandonné la représentation traditionnelle du crucifix en ivoire, pour adopter les représentations étincelantes de Vie du fils de Dieu ressuscité, tout droit issues des églises orthodoxes ou de galeries d’art très fréquentées. Le choix s’impose à nous : essayer d’approcher les images devenues les plus fréquentes dans notre imaginaire religieux, venu de loin.

1 – La Nativité

La Nativité du ChristL’icône de la nativité présente au premier coup d’œil une symphonie rassurante de personnages et de couleurs. Ils y sont tous, telle une crèche provençale, santons et décors en moins ! L’âne et le bœuf semblent veiller sur l’enfant emmailloté de bandelettes bleu-vert… invisible ici, mais présent dans le coin gauche en bas, St Joseph isolé et songeur… là-haut, mélange du ciel et de la terre, les anges, à droite, les rois mages, plus lointains, en mouvement. Mais il faut revoir notre manière de regarder cette scène, par delà nos schémas habituels, que bien sûr les textes de l’Évangile légitiment. Ici, sur ce fond mélangé d’ocres plus ou moins clairs, la grotte ou l’étable se transmue en tapis de lumière, traversé par des arbustes reverdissant, indices ou symboles avérés de l’avènement d’une création nouvelle, lors de la venue de l’enfant dieu, sauveur de la création tout entière.

La vierge Marie, allongée, le regard perdu dans les lointains de son incroyable histoire divine, tourne le dos à l’enfant.

Sa position, allongée sur ce grand coussin frangé d’or, semble triplement symbolique : Marie est charnelle, comme une jeune accouchée, avant les relevailles, solennelle, comme la mère de Dieu, emplie de ce mystère ou prête à entrer dans la paix céleste en une longue dormition.

Nous sommes aux antipodes de ces jeunes femmes potelées et rieuses, jouant avec leur bambini, radieuses de leur enfantement, de ces vierges splendides que l’on ne saurait prier… par contre, dans cette extrême opposé, il faut adhérer à certains aspects de l’âme russe, en ce qu’elle recèle de vérité tragique. La gloire est pour le ciel (cf la transfiguration, 2) un seul exemple : la béance noir profond, un peu décentrée sur le haut de l’icône, un cœur inversé ? une caverne ? ne serait-ce pas l’angoisse de l’homme, ce qui le sépare du Dieu enfant ? ou ce silence absolu qui l’entoure, lui, dans sa nudité humaine ? un lieu sans parole, des animaux sans paroles, des anges sans paroles également. Le silence de Marie qui devra bien accueillir le logos, le Verbe de Vie, pour lui apprendre la langue des hommes.

En cet instant précis, les personnages, répartis à distance les uns des autres, selon une ligne transversale brisée, nous écrivent comme la vérité duelle, écartelée, d’un mystère humano-divin qui nous attire et nous dépasse.

2 – La transfiguration

Théophane le Grec - Icône de la TransfigurationÉvangile selon St Luc 9, 29 : « Prenant avec lui Pierre, Jacques et Jean, Jésus gravit la montagne pour prier… L’aspect de son visage devint autre, et son vêtement d’une blancheur fulgurante. »

Un vrai croquis digne de Léonard de Vinci, voire d’un peintre moderne, cette vision inouïe pour les apôtres de ce maître et ami humain en un éclair métamorphosé en être de lumière, laissant paraître essence divine. Ils restent muets longtemps sans comprendre ce message après que la voix du Père ait résonné.

L’ensemble de l’icône peut supporter la partition en deux espaces. La disposition des couleurs y invite : ocre brun pour la terre, la montagne et les vêtements, bleu pour le divin strié d’or encerclant le Christ. Mais sans rupture, grâce au fond d’or qui enveloppe Moïse porteur du Décalogue et Élie le Prophète.

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